“car la pensée est sombre !”
Victor Hugo
Une pente insensible
Va du monde réel à la sphère invisible”
“La pente de la rêverie”
Chant d’Automne
Aussi loin que porte ma mémoire Claude Ellies a suivi toujours la même pente : celle de la
météorologie de l’âme.
Oeuvre foisonnante. Au premier regard nous l’avions crue romantique : lumières
crépusculaires, paysages fantomatiques baignés dans un chaos organisé ; mais il se
dégage dans ses peintures une sérénité rassurante, une sagesse qui l’éloigne des
convulsions romantiques. Chez lui pas de mélancolie: un crépuscule, une aube ne sont que
des états transitoires, promesses d’ailleurs.
Claude Ellies choisi pour support des matériaux “humbles”; cartons d’emballage ou ondulés,
vieux plats de livres qui se laissent devenir dans l’oeuvre achevée: écoute du banal. Ce
choix n’est pas une démarche dans le prolongement de l’arte povera car les supports seront
peints, “matiérés”. Ce point de départ l’amarre au réel et forme une contrainte recherchée
pour canaliser la pente de ses rêveries.
Il choisit avec un soin extrême ses matières parfois granuleuses ou rugueuses, lisses ou
sacrifiées, duveteuses ou glaiseuses. Elles invitent à la caresse de l’œil ; sensualité du
regard. La matière est un véhicule primordial dans l’élaboration de son travail.
Lorsqu’il met en œuvre une peinture Claude Ellies “adopte” un sujet (paysage, foile, portrait).
Celui-ci n’est qu’un prétexte pour célébrer les noces de la lumière et du temps. La réalité
pour n’existe pas: il la fait et la vit dans sa peinture comme une expérience. Le réel corrigé
dans le travail glisse imperceptiblement vers son paysage intérieur.
L’abandon progressif de la couleur, pour se cantonner aux noires lumières, est là pour mieux
entrer en lui-même, éviter les bavardages, n’être qu’intensité lumineuse: choix austère pour
mieux dire le temps suspendu. Il n’y a pas d’heure, pas d’ombre, seulement l’attente d’une
lumière oubliant déjà une forme.
Sujet aboli, fracture de l’espace, patine du temps et observation de l’intime sont les
composants que Claude Ellies conjugue dans son travail; travail qui est une projection d’un
silence expressif d’une richesse étrange, fragile.
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